De l’Angleterre à Rome, la Via Francigena (Voie des Français), consignée au Xe siècle par Sigéric le Sérieux, chef de l’église d’Angleterre, parcourt l’Europe sur 2 000 km. Son tracé, qui traverse un bras de mer, des plaines et des fleuves et se hisse jusqu’aux sommets alpins, conjugue défi spirituel et physique.
L’Europe, aurait dit Goethe, est née en pèlerinage. » Sur la Via Francigena, proclamée Grand Itinéraire culturel du Conseil de l’Europe, le vieux continent continue de se construire, au fil des pas qui rythment un long voyage. Plus de 2 000 km séparent en effet Canterbury de Rome : 31 km en Grande-Bretagne (où le pèlerin embarque à Douvres pour traverser la Manche), 800 km en France (de Calais à Pontarlier), 200 km en Suisse (de Sainte-Croix au col du Grand-Saint-Bernard), 1 019 km en Italie.
Le nombre de pèlerins effectuant tout ou partie de cet itinéraire, actuellement d’un millier par an, croît avec les progrès de son aménagement. Pour l’instant, en effet, le balisage n’est pas continu. Le kilomètre zéro est indiqué devant la cathédrale de Canterbury, et le trajet britannique ne pose pas de problème.
En France, seuls les départements du Pas-de-Calais, de la Marne, de la Haute-Saône et du Doubs sont balisés.
En Suisse, en revanche, on suit des sentiers de randonnée sur la quasi-totalité de l’itinéraire. En Italie, le parcours officiel est en cours de balisage. Qu’à cela ne tienne : les romieux (pèlerins de Rome) gardent généralement le souvenir d’un superbe voyage, dont l’étape reine est la traversée alpine par le col du Grand-Saint-Bernard. Et ils arborent fièrement leur Testimonium, attestation du pèlerinage délivrée par le Vatican avec un insigne représentant les deux clefs de saint Pierre, qui devraient leur ouvrir, le moment venu, les portes du paradis.
L’ÉPINE DORSALE DE L’EUROPE MÉDIÉVALE
En 58 av. J.-C., Jules César ouvre une Route de Rome, liaison la plus courte entre la mer du Nord et la Méditerranée, qui devient l’axe principal de l’Europe occidentale. À partir du VIIe siècle apr. J.-C., cette voie est massivement empruntée par les pèlerins, Rome étant devenue le premier pèlerinage chrétien. Vers 725, elle prend le nom de Via Francigena. Elle tombe en désuétude au XVIIe siècle. De cette route subsistent dans chaque pays des vestiges romains et médiévaux, patrimoine européen que le renouveau du pèlerinage permet de redécouvrir.
À peine nommé archevêque de Canterbury, en 990, Sigéric se mit en route vers le Siège apostolique pour recevoir du pape Jean XV le pallium, ornement sacerdotal des archevêques tissé en laine d’agneau représentant la brebis égarée que le pasteur d’âmes charge sur ses épaules. Sur le chemin du retour, Sigéric nota les 79 localités où il fit étape : 48 en Italie, 7 en Suisse, 24 en France.
Pour la première fois, fut ainsi consigné l’un des itinéraires qui acheminaient voyageurs et marchandises du nord de l’Europe vers les pays méditerranéens.
La fréquentation de ce réseau de routes, appelé Via Francigena, s’accrut encore à partir de 1300, lorsque le pape institua les années jubilaires et promit une indulgence plénière aux fidèles qui visiteraient le tombeau de Pierre à cette occasion.
CONSEIL SPIRITUEL : Saint Paul, un guide lumineux
Le pèlerinage est propice à la contemplation. Au fil du chemin, les paysages traversés peuvent émouvoir par leur beauté. Osmose avec la nature ou quête de ressourcement pour certains, le chemin est aussi pour le croyant l’occasion de méditer et de se plonger dans les écritures. Les épîtres de saint Paul parlent particulièrement au pèlerin. C’est sur une route, celle de Damas, que le Christ s’est révélé à l’apôtre, qui était alors son ennemi farouche
Les chemins de pélerinage
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